Terrien : As-tu observé l’éclipse du Soleil le 8 avril ?
Lunarien : Mais non, puisque je suis toujours dans la lune !
Terrien : Dommage pour toi ! C’était un phénomène époustouflant dans le ciel américain et canadien ! On voyait des foules de figures lunettées, à perte de vue, tournées comme des tournesols vers le disque solaire pour se régaler du spectacle !
Lunarien : Le régal a duré combien de temps ?
Terrien : La galette céleste entière a été consommée par étapes, en deux heures, à peu près.
Lunarien : Oh ! Chez moi, sur la lune, le phénomène dure beaucoup plus longtemps !
Terrien : Quel phénomène ? L’éclipse ?
Lunarien : Mais oui! De chez moi, j’observe en permanence l’éclipse de la Terre !
Terrien : Ah bon ? Décris-moi le spectacle !
Lunarien : Je vois la Terre éclipsée par elle-même.
Terrien : Comment ça, par elle-même ?
Lunarien : Oui, par ses propres Terriens, ton propre genre.
Terrien : Explique-toi !
Lunarien : Je vois ton disque tellurique, jadis rayonnant, aujourd’hui rayé, éclipsé par un nuage noir, ténébreux…
Terrien : Tu me fais frissonner ! Un nuage de pluie ?
Lunarien : Un nuage de soufre, de pollution, d’effet de serre, d’effet de guerres, aux reflets sanguinolents, chargé de haine, de conflits, de violence, de destructions, de crimes, de massacres…
Terrien : Oh mon Dieu ! Quel spectacle horrible qui s’offre à toi !
Lunarien : En effet… heureusement que je le contemple, mais que je n’y goûte pas !
Terrien : Ah oui ! C’est vrai ! Tu as de la chance d’avoir ce nuage dans un coin de ton ciel et pas dans mon coin ! Mais dis-moi, l’éclipse de la Terre, vue de chez toi, est partielle ou totale ?
Lunarien : Au début, elle était partielle, puis elle est devenue totale.
Terrien : L’éclipse totale, chez moi, a duré deux minutes… et chez toi ?
Lunarien : Oh ! Beaucoup plus ! Elle dure encore !
Terrien : Oulala ! Et tu es descendu sur terre pour fuir le spectacle ?
Lunarien : Plutôt pour m’assurer que ce n’est pas un mirage que je vois de chez moi.
Terrien : Résultat ?
Lunarien : C’est pire que ce que je voyais d’en haut.
Terrien : Et tu comptes remonter ? Reste encore un peu ! Je t’invite à déjeuner !
Lunarien : Ah non, merci ! J’ai hâte de retourner… mais pourquoi ne viendrais-tu pas toi-même à ma table lunaire ? Chez moi, ma galette n’est pas brûlée !
R.B.